Delay, Estelle (2008). De l'équilibre à la partition les représentations de l'espace et du temps dans les politiques de développement régional au Québec depuis 1945. Thèse. Rimouski, Québec, Université du Québec à Rimouski, Département sociétés, territoires et développement, 412 p.
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Résumé
Cette thèse propose une analyse des politiques de développement régional au Québec de 1945 à
2004. Elle s'inspire du courant cognitiviste développé en science politique et plus
particulièrement de l'approche par le référentiel. Elle particularise cette approche en y articulant
deux notions essentielles qui sont celles du discours et des représentations: les politiques sont
abordées en tant que discours publics vecteurs de représentations. Dans ce cadre, ce sont
précisément les représentations de l'espace et du temps qui sont au coeur de l'analyse. En tant que
catégories générales du rapport au monde, elles touchent directement à la strate cognitive des
politiques et à la logique de légitimation de celles-ci. Et, de part son objet même, le secteur du
développement régional est spécifiquement concerné par les dimensions spatiales et temporelles.
L'étude des représentations de l'espace et du temps dans les politiques de développement
régional est donc doublement propice à une analyse cognitive susceptible de déboucher sur une
lecture novatrice de ces politiques et de leur évolution.
L'ensemble de la démarche est sous tendue par un questionnement général relatif aux mutations
contemporaines du rapport à l'espace et au temps: l'espace se dilaterait et le temps se
contracterait. On se demande donc si cette mutation se vérifie à l'échelle de l'objet d'étude et
quelles en sont les répercussions éventuelles , particulièrement en regard des modes de
légitimation de l'État.
Le corpus étudié est composé de quinze politiques de développement régional émanant du
gouvernement québécois entre 1945 et 2004. Ces discours politiques font l'objet d'une analyse
de contenu recourant à l'outillexicométrique. Cette méthodologie est employée tout d'abord pour
la dimension spatiale. Dans un premier temps, chaque politique est soumise à une grille d'analyse
par échelons spatiaux (de l'infra-municipal au supranational) visant à en établir le profil spatial
(poids relatif de chaque échelon en fonction de son occurrence dans le discours), à repérer
l'échelon pivot (échelon spatial prédominant) et à évaluer la perspective spatiale (ouverture aux
référents hors Québec). La lecture diachronique de ces résultats permet dans un second temps de
saisir les mutations de la spatialité depuis 1945 : l'émergence et la consolidation de l'échelon
régional comme pivot spatial, la tendance à la particularisation de cet échelon et l'effacement
progressif des référents extérieurs à l'exception notable de l'échelon mondial.
La démarche méthodologique est ensuite adaptée à la catégorie du temps. Pour chaque politique,
une double: analyse - lexicale et grammaticale - permet d'en évaluer le profil temporel (poids
relatif du passé, du présent et du futur), d'identifier la dimension pivot et d'en établir la
temporalité (extension, valorisation et articulation des trois dimensions temporelles). Sur cette
base , plusieurs transformations des représentations du temps se dégagent : autour d'un présent
pivot toujours dominant, une tendance à l'effacement du passé; un rétrécissement de la
perspective temporelle au profit de l'articulation entre le présent et le futur de court terme;
l'accentuation d'une spatialisation du temps (le présent devient mondial et le futur devient
multiple et localisé). On constate du même coup une évolution de la portée légitimante du temps.
Si, à l'époque duplessiste, l'argumentaire de légitimation puise directement dans une temporalité
valorisée, étendue et équilibrée, dans les politiques plus récentes, la temporalité restreinte et
moins articulée est moins explicitement convoquée. Ainsi , parallèlement à la spatialisation du
temps, on relève une certaine dé-temporalisation de la légitimité
La lecture croisée de ces deux dimensions montre une concordance de leur mutation, tant dans le
rythme que dans le fond. Se dégagent ainsi trois grandes périodes spatio-temporelles révélatrices
de la succession de plusieurs référentiels.
1945- 1956 : La période duplessiste est caractérisée par des représentations spatio-temporelles
marquées par l'idée d'équilibre. Elles font écho à un argumentaire de légitimation fondé sur le
principe de transmission (incarné par le chef) renvoyant à une conception du monde en terme de
stabilité. La concordance est très nette avec le référentiel d'équilibre (prévalant en France
jusqu'à la seconde guerre mondiale) structuré par la conception d'un État libéral et soucieux de
stabilité.
1966-1992: Le portrait spatio-temporel est, durant cette période, marqué par l'idée de
concentration à laquelle correspond une nouvelle logique de légitimation centrée sur
l'intervention étatique (maîtriser les défis du court terme). Cette configuration renvoie au
référentiel modernisateur (observé dans la France d'après guerre) caractérisé par un État
interventionniste et centralisateur.
1995 : Le cas particulier de la politique de 1995 montre une très forte ouverture des perspectives
spatiales et temporelles et qui correspondent à un mode de légitimation axé sur le principe de
continuité (garantie par l'État). Cette ouverture marquant la strate cognitive concorde avec une
ouverture sur le plan politique (période pré référendaire).
1997-2004: Les représentations spatio-temporelles sont à nouveau très concentrées, mais cette
fois marquées par la radicalisation du phénomène de spatialisation et de partition : la maîtrise
du présent se joue en grande partie à l'échelon mondial et celle des futurs dépend des échelons
locaux. Dans ce cadre, la légitimité politique perd de son assise temporelle et signe le retrait de
l'État dans un rôle d'accompagnateur. Ce schéma recoupe très clairement celui du référentiel de
marché (depuis le début des années 80 en France) dont les maîtres mots sont le désengagement
de l'État, la concurrence et la mondialisation.
En conclusion, cette étude conforte l'intuition d'une profonde mutation des représentations de
l'espace et du temps; elle y adjoint l'hypothèse d'une spatialisation du temps. D'autre part, elle
confirme le pouvoir heuristique des catégories d'espace et de temps en regard de la question du
politique. Elle démontre la pertinence d'appréhender la dimension cognitive des politiques
publiques par la voie des représentations.
Type de document : | Thèse ou mémoire de l'UQAR (Thèse) |
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Directeur(trice) de mémoire/thèse : | Lafontaine, Danielle |
Information complémentaire : | Thèse présentée à l'Université du Québec à Rimouski comme exigence partielle du programme de doctorat en développement régional. Publié aussi en version papier. |
Mots-clés : | Politique Espace Temps Representation Regional Developpement Temporalite Spatialisation Spatio-temporel Quebec Province Gouvernement Evolution Analyse Discours |
Départements et unités départementales : | Département sociétés, territoires et développement > Développement régional |
Déposé par : | DIUQAR UQAR |
Date de dépôt : | 10 févr. 2011 16:50 |
Dernière modification : | 10 févr. 2011 16:50 |
URI : | https://semaphore.uqar.ca/id/eprint/51 |
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