Cabrol, Jory (2019). Étude écophysiologique des espèces dominantes de krill (Meganyctiphanes norvegica, Thysanoessa inermis et T. raschii) dans l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Thèse. Rimouski, Université du Québec à Rimouski, Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER), 213 p.
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Résumé
RÉSUMÉ: Le krill joue un rôle central dans les écosystèmes marins en permettant un transfert d'énergie des niveaux trophiques inférieurs, en s'alimentant sur les producteurs primaires et secondaires, vers les niveaux supérieurs en servant de proies pour de nombreuses autres espèces. Toutefois, les connaissances sur l'écophysiologie, ainsi que les processus pouvant affecter les performances des différentes espèces de krill autres qu'Euphausia superba, l'espèce commerciale phare, restent encore très mal documentées. Dans l'Atlantique Nord, les communautés de krill sont principalement dominées par trois espèces qui coexistent en sympatries. On retrouve l'espèce tempérée Meganyctiphanes norvegica, ainsi que Thysanoessa inermis et T. raschii respectivement arctique et boréale. Toutefois, ces espèces présentent différentes biologie et écologie qui vont de surcroît fortement varier avec les fluctuations spatio-temporelles des conditions environnementales. Aussi déterminer en détail les processus écologiques clés susceptibles d'influencer la coexistence donc les transferts d'énergie, tels que l'alimentation et/ou les stratégies énergétiques, est crucial afin de mieux appréhender d'éventuelles modifications trophiques dans le contexte actuel des changements globaux. Ainsi l'objectif principal de cette thèse est : i) de déterminer les stratégies d'alimentation et ii) d'élucider la dynamique des réserves lipidiques des trois espèces de krill en relation avec les changements spatio-temporels des conditions environnementales dans l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent (EGSL) situé au Canada.
Pour ce faire, nous avons développé une approche écophysiologique combinant a) des suivis in situ utilisant différentes échelles spatio-temporelles et b) des expériences d'alimentation en milieux contrôlés. Ces résultats sont présentés sous forme de trois chapitres dont chacun, testent un aspect spécifique de leur écophysiologie. Le premier chapitre se concentre sur les variations saisonnières. Ici, nous émettons l'hypothèse que cette coexistence repose sur la ségrégation de leur niche trophique en fonction d'un compromis saisonnier entre les préférences alimentaires, les besoins énergétiques et la disponibilité des proies. Pour tester cette hypothèse, nous avons suivi l'évolution des niches trophiques réalisées et des stratégies énergétiques pendant une année complète en utilisant une approche multimarqueurs. L'utilisation des acides gras et des isotopes stables comme marqueurs trophiques a permis de mettre en évidence la présence d'une ségrégation trophique à fine échelle taxonomique tout au long de l'année, démontrant ainsi différents degrés de spécialisation entre les espèces. De plus, l'analyse des classes de lipides a permis de mettre en évidence i) l'importance des copépodes dans l'accumulation des réserves d'énergétique et ii) que l'utilisation différentielle de ces réserves lors des périodes de faible disponibilité trophique pourrait contribuer à la diminution de la compétition interspécifique et donc faciliterait la coexistence.
Le deuxième chapitre quant à lui se concentre sur l'effet de l'hétérogénéité spatiale du milieu sur l'alimentation et la condition physiologique de M. norvegica et T. inermis. Pour ce faire, nous avons évalué la teneur et la composition en acides gras neutres sur une base saisonnière sur plus de 1000km, dont pour la première fois en présence d'un couvert de glace. Cette étude a ainsi permis de montrer que le contenu énergétique de M. norvegica présentait d'importantes variations spatiales, qui étaient similaires en termes d'intensité aux variations saisonnières observées dans le chapitre 1. En revanche, le contenu énergétique de T. inermis semblait beaucoup moins affecté par les variations des conditions environnementales. En outre, nous avons pu confirmer que : i) la présence de zooplancton était plus importante que celle du phytoplancton pour satisfaire leurs besoins métaboliques et ii) que la ségrégation des niches trophiques était également présente à plus large échelle, mais modulée en fonction de la disponibilité de la nourriture et des conditions océanographiques. Dans le dernier chapitre, nous comparons les réponses fonctionnelles des taux d'ingestion des deux plus abondantes espèces de krill présentes dans l'EGSL soit M. norvegica et T. raschii, lorsqu'elles s'alimentent sur des assemblages naturels de phytoplancton et de mésozooplancton en absence et en présence de phytoplancton.
Ainsi, nous avons pu déterminer que les deux espèces présentaient une réponse de type Holling III lorsqu'elles s'alimentaient sur le phytoplancton, mais des réponses de type Holling III et II pour M. norvegica et T. raschii, respectivement, lorsqu'elles se nourrissaient de mésozooplancton. De plus, nous démontrons ici que M. norvegica ne peut pas couvrir ces besoins métaboliques en s'alimentant uniquement de phytoplancton. Toutefois, nos résultats suggèrent que T. raschii pourrait couvrir ses besoins en se nourrissant i) sur de fortes concentrations de phytoplancton et/ou ii) de faibles concentrations de mésozooplancton. En conclusion, cette thèse apporte une vision nouvelle sur l'écologie trophique et les mécanismes facilitant la coexistence de ces trois espèces de krill d'importance écologique. Par ailleurs, ces informations représentent à ce jour le portrait le plus complet disponible sur leur écologie trophique. Enfin, à la lumière de ces résultats, nous discutons ici des conséquences potentielles d'un changement de communauté de krill dans l'EGSL tel que déjà observé dans certaines régions de l'Atlantique Nord. -- Mot(s) clé(s) en français : Estuaire et golfe du Saint-Laurent; Krill nordique; sélectivité trophique; Stratégies énergétiques; Condition physiologique; Isotopes stables; Acides gras marqueur trophiques; réponse fonctionnelle des taux d'ingestion; Expériences d'alimentation. -- ABSTRACT: Krill play a pivotal role in marine food webs by feeding on primary and secondary producers and serving as prey for numerous ecosystem relevant species, allowing energy transfer from lower to upper trophic levels. However, in particular northern krill is still an understudied group. Knowledge on their ecophysiology and processes affecting their performance is scarce. In North-Atlantic region, krill communities are dominated by three species, the temperate/boreal Meganyctiphanes norvegica, the Arctic species Thysanoessa inermis, and the boreal/arctic T. raschii, which coexist in sympatry. These species may express differential ecophysiological traits, which in turn may vary with the marked spatiotemporal variation of the environmental conditions in subarctic regions. To determine in detail their ecological key processes, such as feeding and energy reserve dynamics at an interspecific level will help to understand coexistence of these species. Further this study will enhance our capacity to predict energy flow and potential trophic shifts in the changing environment. The objectives of the present thesis are i) to determine the feeding strategies and ii) to elucidate the lipid reserve dynamics of the three krill species in relation to marked spatiotemporal changes of the environmental conditions in the Estuary and Gulf of St. Lawrence (EGSL), eastern Canada. In order to achieve this goal, we developed an ecophysiological approach using both a combination of field studies on different spatial and temporal scales, and controlled laboratory feeding experiments. Results are presented in the form of three chapters in which specific scientific objectives regarding ecophysiological features of krill were tackled.
The first chapter concentrate on seasonal variations. Here, we hypothesized that the stable coexistence of three krill species is based on trophic niche partitioning related to seasonal trade-offs between food preferences, energy needs, and prey availability. We assessed their respective trophic niches and energetic strategies throughout one year using a multimarker approach. The analyses of stable isotopes, fatty acid trophic markers and lipid class contents and compositions, revealed strong trophic niche separation occurring on a very fine trophic scale (species level) throughout the year and different degrees of food specialization among species. In addition, we highlighted that feeding on copepod prey was important to accumulate energy reserves. Differential energy reserve utilization among the three species might help to reduce competition especially during the winter. The second chapter focused on the spatial fluctuations of feeding selectivity and energy reserve content of the contrasting krill species M. norvegica and T. inermis throughout the EGSL. To achieve this goal, we assessed the neutral fatty acid content and composition on a seasonal basis, including for the first time the winter season characterized by extended ice cover over more than 1000 km. This study highlighted that M. norvegica exhibited large spatial variations of its energy reserve lipids, which were similar to seasonal variations found in the chapter 1. In contrast, lipid contents of T. inermis were apparently much less affected by the spatial variation of environmental conditions but showed large seasonal variability.
Furthermore, we confirmed that: i) zooplankton standing stock could be more important than phytoplankton to fulfill their metabolic requirements, and ii) that trophic niche partitioning between both species was present on the large geographic scale but might be modulated by spatial differences in food supply and oceanographic conditions. In the last chapter, we compared the functional feeding biology of the two most abundant species of the EGSL, M. norvegica and T. raschii, using natural phytoplankton and mesozooplankton assemblages. Here, we determine the functional response of ingestion rates on phytoplankton and on mesozooplankton in absence and presence of phytoplankton. Results highlighted that both species exhibited a Holling type III response feeding on phytoplankton, but an Holling type III and II for M. norvegica and T. raschii, respectively, when feeding on mesozooplankton. Daily rations suggest that M. norvegica must feed on zooplankton to cover the metabolic cost, whereas T. raschii could cover its needs by feeding on both i) a high phytoplankton concentration or ii) a low zooplankton concentration. In conclusion, the present thesis contributed to the understanding of the trophic ecology and energetic strategies of these three ecologically relevant krill species. It draws the most complete portrait on their feeding selectivity.
It also suggests the existence of species-specific adaptations and mechanisms that enhance krill coexistence in the EGSL. Finally, potential consequences of future changes in the EGSL ecosystem are discussed in light of recent changes in krill communities of the North-Atlantic regions. -- Mot(s) clé(s) en anglais : Estuary and Gulf of St. Lawrence; Northern krill; Feeding selectivity; Energetic strategies; Physiological condition; Stable isotopes; Fatty acid trophic markers; Functional response of ingestion rates; Feeding experiments.
Type de document : | Thèse ou mémoire de l'UQAR (Thèse) |
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Directeur(trice) de mémoire/thèse : | Winkler, Gesche |
Co-directeur(s) ou co-directrice(s) de mémoire/thèse : | Tremblay, Réjean et Nozais, Christian |
Information complémentaire : | Thèse présentée dans le cadre du programme de doctorat en océanographie en vue de l'obtention du grade de philosophiae doctor. |
Mots-clés : | Krill Nordique Alimentation Dynamique Reserve Lipide Condition Environnemental Ecophysiologie Saint-Laurent Golfe Estuaire |
Départements et unités départementales : | Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER) > Océanographie |
Déposé par : | DIUQAR UQAR |
Date de dépôt : | 17 déc. 2019 19:40 |
Dernière modification : | 09 juin 2020 15:40 |
URI : | https://semaphore.uqar.ca/id/eprint/1474 |
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