Fortin, Marie-José (dir.) et Handfield, Mario (dir.) (2016). Repenser l'innovation hors métropole : l'action publique dans le secteur bioalimentaire. [Monographie]
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Résumé
Avant-propos, Bruno Jean, Université du Québec à Rimouski -- Le présent ouvrage rassemble des textes qui illustrent les liens nouveaux entre
deux domaines traditionnellement éloignés l’un de l’autre, soit l’étude des
processus d’innovation, et plus particulièrement d’innovation sociale, et l’étude
de notre système bioalimentaire. Car jusqu’à récemment, on ne peut pas dire
que ce système était questionné et constituait encore moins un terreau propice
pour l’innovation tant au niveau des pratiques culturales que des procédés
industriels ou des produits.
Nous sommes en train d’assister à ce qui ressemble à un véritable changement
de paradigme en passant d’un système bioalimentaire à un autre, basé sur
d’autres valeurs et d’autres finalités. Un nouveau modèle de développement
agroalimentaire est en train de se mettre en place et plusieurs observateurs
commencent à en rendre compte dans la littérature scientifique. Ce nouveau
modèle s’inscrit au croisement de plusieurs préoccupations : le maintien du
peuplement dans les zones rurales en dévitalisation, la production d’une
alimentation saine et de qualité et la pratique d’une agriculture à dimension
humaine par des systèmes productifs agricoles moins intensifs et avec des
intrants autoproduits. Le modèle de « développement agricole productiviste » serait ainsi en déclin. Ce
modèle se caractérise par la généralisation des fermes spécialisées visant une
production de masse, par une complexification du système avec des industries
agroalimentaires en amont et en aval des exploitations agricoles. L’objectif du
modèle agricole productiviste était d’assurer une production abondante,
disponible partout et pour tous et aussi, à bon marché ; on a ainsi parlé de
« cheap food policy », en synergie avec le modèle de développement fordiste
impliquant une grande régulation étatique de l’agriculture et des marchés
agricoles et alimentaires.
Une nouvelle économie bioalimentaire est en pleine émergence depuis quelques
décennies. Le comportement des consommateurs a changé ; ils sont à la
recherche de la qualité alimentaire. La baisse des coûts de l’alimentation rend la
qualité accessible à plusieurs couches sociales. De plus, la sensibilité écologique
touche non seulement les consommateurs urbains voulant « manger local » mais
aussi les producteurs agricoles. Les systèmes de régulation étatique des marchés
agricoles sont mis à mal ou démantelés avec l’adhésion des États aux nouvelles
règles visant la libéralisation du commerce international. Dans ce contexte, on voit apparaître de nouvelles stratégies des producteurs
agricoles pour générer et capter de la valeur ajoutée avec leur production. Cette
évolution dessine les contours d’un nouveau mode de régulation, celui du
développement territorial, soit un développement basé sur la mise en valeur du
patrimoine naturel et des spécificités locales.
Ces stratégies développées par certains entrepreneurs du domaine
bioalimentaire s’apparentent très clairement à de l’innovation, considérée par les
théories dominantes du développement économique comme le principal moteur
de la création de richesse. Or ces mêmes théories postulent par ailleurs que seuls
les grands ensembles urbains sont capables de générer l’innovation car ils
attirent une classe créative, selon l’expression consacrée par Richard Florida, avec
un haut niveau de formation ou de scolarité et un esprit ouvert au changement.
Ainsi dans les représentations actuelles de l’innovation, les populations rurales
ne font pas partie de la « classe créative ». Pourtant, l’histoire des communautés
rurales du Québec, tout comme les exemples dans le présent ouvrage, montre
que les ruraux ont été depuis longtemps, et sont encore de nos jours, une classe
créative. Leurs innovations se manifestent dans les trois grandes dimensions du
développement durable : aménager les environnements naturels, créer des
instruments ou des institutions pour le développement économique et
finalement, organiser la vie sociale. L’économie des régions rurales est basée sur les ressources naturelles. Étant
donné la tendance des implantations industrielles à se déplacer des villes vers les
zones rurales, il n’est pas surprenant de voir des innovations rurales en
agriculture. Mais de nouvelles formes d’agriculture produisant de nouveaux
produits dits « de qualité » contribuent à la reconnexion des habitants des villes
avec les agriculteurs pratiquant une « agriculture soutenue par la communauté ».
Cette nouvelle agriculture qui met l’emphase sur des produits biologiques ou de
spécialité prend de plus de place dans l’espace rural. Dans certaines régions
délaissées par l’agriculture conventionnelle, ou productiviste, cette nouvelle
agriculture « du terroir » est en train de faire revivre l’économie locale.
Cette nouvelle économie bioalimentaire soulève toutefois plusieurs questions.
Est-ce un phénomène marginal, transitoire, un signe d’adaptation ou les
premiers signes d’une mutation profonde de l’économie ? Un système
agroalimentaire qui offre l’abondance, des bas prix et maintenant la qualité, estce
possible ? Une nouvelle perspective d’occupation du sol et de revitalisation
des campagnes émerge-t-elle avec ce nouveau mode de régulation ? Existe-t-il
des limites au processus de qualification ou spécification des produits par leur
territoire de production ? Dans une telle agriculture, comment organiser la R&D
bioalimentaire et l’encadrement technique ? Est-ce que cette nouvelle forme d’agriculture postfordiste pourra se passer facilement du traditionnel soutien
étatique ?
Nos propres recherches, tout comme celles dont le présent ouvrage fait état,
nous ont conduit à établir un certain nombre de constats. Premièrement, le
développement de l’agroalimentaire en régions périphériques doit favoriser une
utilisation optimale des ressources naturelles avec la reconnaissance de la
multifonctionnalité agricole. Deuxièmement, les politiques de soutien à
l'agriculture sont de moins en moins performantes pour faire face aux objectifs
du développement rural durable. Dans un tel contexte, il faut une nouvelle
politique agricole prenant en compte les dimensions économiques, sociales et
environnementales de notre système bioalimentaire. Finalement, étant donné le
nouveau rôle du territoire dans la production agroalimentaire, les régions, les
MRC et les municipalités devront élaborer de nouveaux outils d’intervention à
l’échelle locale et régionale, outils qui favoriseront une plus grande capacité
d’action dans le domaine agricole et agroalimentaire. Une agriculture en
harmonie avec la terre et des citoyens qui manifestent un intérêt pour les
marchés locaux peuvent revaloriser les potentialités agro-écologiques et
renouveler les termes du contrat social entre les producteurs agricoles et le reste
de la société.
Type de document : | Monographie |
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Information complémentaire : | Tendances et débats en développement régional ; no 14 -- ISBN 9782923711881 (version imprimée) -- ISBN 9782923711898 (version électronique) |
Mots-clés : | Action Agent Agriculture Alimentation Bioalimentaire Changement Developpement Economie Ferme Industrie Innovation Local Publique Region Regional Rural |
Départements et unités départementales : | Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l'Est du Québec (GRIDEQ) |
Déposé par : | DIUQAR UQAR |
Date de dépôt : | 18 févr. 2016 15:44 |
Dernière modification : | 18 févr. 2016 18:51 |
URI : | https://semaphore.uqar.ca/id/eprint/1019 |
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