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Étude sur la chaîne de valeur et la gouvernance territoriale de la filière halieutique : Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine

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Rioux, Claude, Lévesque, Marie-Claude, Kleiser, Marthe, Brêthes, Jean-Claude, Tita, Guglielmo et Gagnon, Luc (2010). Étude sur la chaîne de valeur et la gouvernance territoriale de la filière halieutique : Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Dans Conférence régionale des élus Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine.

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Résumé

La présente étude identifie des pistes possibles d’actions structurantes pouvant améliorer le sort des partenaires de la filière halieutique de la région Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et des communautés qui en dépendent. Elle constitue la suite d’une étude réalisée antérieurement, à la demande de la Conférence régionale des élu(e)s de la région, laquelle étude donne un portrait détaillé de la filière halieutique régionale2. On peut trouver dans ce précédent rapport un certain nombre de constats dont les principaux ont largement inspiré l’approche et les pistes d’action de la présente étude.
Les pistes identifiées qui s’adressent à l’ensemble de la filière halieutique sont, par ailleurs, susceptibles de générer des retombées positives pour les collectivités locales. Elles correspondent également à des préoccupations régionales, nationales et internationales.
L’interdépendance entre les acteurs locaux et hors région de la filière, les externalités positives pour les collectivités et une indispensable révision des pratiques en matière d’allocation de quotas et de permis constituent autant de facteurs qui font que ces actions structurantes devront être prises en charge au moins partiellement par les autorités publiques. Rendre possible la réunion des conditions nécessaires à la réalisation de ces actions pourrait constituer un mandat majeur pour une instance de concertation régionale, telle la CRÉ.
L’approche est inspirée de la notion de chaîne de valeur. Selon la définition donnée par Porter (1986), une chaîne de valeur permet de décomposer l’activité d’une entreprise en séquence d’opérations élémentaires et d’identifier les sources d’avantages concurrentiels potentiels. En cherchant à cerner les lieux essentiels de création de la valeur, on cherche ainsi à cerner les modalités permettant d’obtenir un avantage concurrentiel qui va permettre à son tour d’augmenter la valeur du produit pour le client. Il est possible d’augmenter la performance globale de la chaîne de valeur par un renforcement de chaque maillon et par un renforcement des liaisons entre les maillons. En fait, l’avantage comparatif provient autant des liaisons entre les activités que des activités elles-mêmes. Une meilleure prise en compte des effets d’une activité sur le reste de la chaîne ou une meilleure coordination des activités peut contribuer à obtenir un avantage déterminant. Il est possible de transposer cette approche de l’entreprise vers un niveau d’organisation un peu plus complexe : la filière. La chaîne de valeur devient alors un ensemble de produits et de producteurs concourant à la desserte d’un marché.
Une application des principes de la chaîne de valeur exige de comprendre la dynamique de filière globale du marché : les entreprises exploitant la même filière, fournisseurs ou acheteurs finaux, les services financiers, commerciaux et techniques qu’exigent cette filière et le milieu des affaires au sein duquel opère la filière. Les parties prenantes de la filière peuvent constater où se situe leur avantage concurrentiel et où elles doivent se revaloriser pour être compétitives en attribuant une valeur de base à des caractéristiques clés comme la qualité, le prix, les délais de livraison, etc. Le concept de gouvernance de la chaîne de valeur est fondamental à la dynamique de la filière. La gouvernance désigne ces entreprises qui, au sein d’une chaîne de valeur, définissent et imposent les paramètres qu’appliqueront les autres à leurs exploitations. S’emboîtent dans la gouvernance les relations entre sociétés, les rapports de pouvoir, tant symétriques qu’asymétriques, et la répartition des bénéfices. La gouvernance de la chaîne de valeur se situe à cet échelon d’organisation qui facilite ou entrave la revalorisation et la capacité à répondre aux changements du marché, surtout sur les marchés mondiaux.
La qualité des relations entre les différentes parties est un facteur essentiel au fonctionnement d’une chaîne de valeur. Des relations fortes et mutuellement bénéfiques entre les parties prenantes facilitent le transfert d’informations, de capacités et de services, tous éléments essentiels à la revalorisation. En termes d’opportunités et de contraintes, la chaîne de valeur exige généralement une réponse coordonnée de la part de plusieurs partenaires de la chaîne, ce qui sous-entend une confiance partagée et la volonté de collaborer.
L'approche par la chaîne de valeur est une approche intégrale et intégrante, qui utilise un grand nombre d’outils et de « meilleures pratiques ». Une chaîne de valeur n’est, ni plus ni moins, qu’un partenariat étroit entre différents maillons de la chaîne d’approvisionnement, dans le but de répondre aux demandes des consommateurs et de créer de la valeur et des profits.
Pour atteindre l’objectif de l’étude et illustrer un certain nombre de faiblesses et d’opportunités, une évaluation sommaire de la situation économique et financière des principaux acteurs de la filière a été effectuée dans la partie 2 du rapport. Les informations utilisées proviennent essentiellement des données publiques disponibles. Trois grandes chaînes de valeur ont été identifiées tenant compte des principales espèces pêchées dans la région : homard, crabe des neiges et crevette. Les données ne sont pas disponibles pour les autres espèces comme les poissons de fond, les pélagiques ou encore la mariculture. Les évaluations de la marge brute comme indicateur de la valeur ajoutée à chaque maillon ont été complétées par un examen de l’information disponible sur les principaux marchés de la production locale, pour l’essentiel hors région. De plus, les conditions dans lesquelles les captures sont écoulées auprès d’acheteurs principalement locaux ont fait l’objet d’un examen. On peut résumer de la façon suivante les constats que cette première analyse a permis de faire :
 La filière halieutique régionale comprend pour l’essentiel deux catégories d’acteurs principaux;
 La production régionale des espèces examinées semble être de la même nature depuis plusieurs années (vente en frais, première transformation, tentatives d’utiliser des sousproduits et importation de matière première à l’occasion), bien qu’une certaine volonté d’innover semble se dégager dans le secteur de la transformation;
 Les principaux marchés sont des marchés d’exportation, essentiellement américains. En tout état de cause, c’est ce marché qui sert de référence à la fixation des prix;
 On peut observer une diminution de la valeur ajoutée localement aux espèces capturées, suite à une diminution des prix. La situation est encore plus dramatique si on envisage la marge nette, le coût de certains intrants comme le carburant ayant augmenté alors que les prix des produits ont tendance à baisser, conséquence d’une mauvaise conjoncture économique sur le principal marché acheteur;
 Selon certains indices, les relations entre pêcheurs et acheteurs sont parfois difficiles et demandent un arbitrage.
L’approche par la chaîne de valeur nous apprend aussi que pour mieux valoriser un produit par l’obtention d’un avantage concurrentiel, une étroite coordination entre les différentes parties prenantes est une condition essentielle. La partie 3 du rapport fait une synthèse de l’état actuel du partenariat en distinguant entre une gouvernance interne ou externe à la filière.
La gouvernance de la chaîne de valeur se situe donc à cet échelon d’organisation qui facilite ou entrave la revalorisation et la capacité à répondre aux changements du marché, surtout sur les marchés mondiaux. La gouvernance interne à la filière renvoie aux relations commerciales au sens le plus strict. Elle fait référence aux partenariats d’affaires, entre acteurs de la filière liés entre eux par des échanges commerciaux. La chaîne de valeur des produits de la mer comprend les pêcheurs, les acheteurs ou courtiers, les entreprises de transformation, les agences de commercialisation, les distributeurs et les exportateurs. Cependant, on trouve principalement dans les régions maritimes les acteurs des secteurs primaires et secondaires.
La gouvernance externe fait référence à un ensemble d’organisations publiques, parapubliques et privées qui, à des degrés divers, jouent un rôle de soutien ou de réglementation à l’égard de la filière halieutique régionale. La gouvernance est caractérisée d’externe à la filière, en ce sens qu’elle n’est pas principalement motivée par un partenariat d’affaires. Elle concerne les organisations qui ne sont ni acheteuses ni vendeuses de produits de la mer. Il s’agit d’institutions, d’agences gouvernementales, de sociétés d’état ou d’organisation à but non lucratif qui interviennent directement ou indirectement (groupes de pression) sur la filière halieutique pour différentes raisons.
Les relations entre les pêcheurs et les acheteurs apparaissent difficiles, voire conflictuelles. Des plans conjoints pour la négociation collective des prix ont été créés. La Régie des marchés agricoles et alimentaires a dû arbitrer les différends à quelques reprises.
Les assises de chacun des deux maillons régionaux de la chaîne de valeur sont encadrées et soutenues par deux paliers de gouvernements différents. La capture est soumise à un encadrement fédéral et la transformation est réglementée par le gouvernement provincial.
Cependant, le MAPAQ (ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec) peut intervenir sur les moyens de capture (financement de navires par exemple), tout comme le MPO (ministère des Pêches et Océans du Canada) peut influer sur la répartition régionale des droits de pêche et donc, indirectement, sur le secteur de la transformation. Les autorités publiques locales (municipalité, MRC) et de concertation régionale (CRÉ) ont des mandats et responsabilités à l’égard du développement du territoire mais peu d’influence sur l’accès à la ressource halieutique, son utilisation et sa destination.
Les interventions fédérales et provinciales suivent un découpage sectoriel par ministère.
Une certaine concertation a lieu entre les gouvernements fédéral et provincial au niveau ministériel, et entre les ministères et le milieu de la pêche et de la transformation. En fait, le gouvernement du Québec entretient ses propres réseaux de concertation avec les acteurs de la filière, et le gouvernement fédéral fait de même. La concertation conjointe fédérale-provinciale-acteurs de la filière ne semble pas explicitement prévue.
Les associations de pêcheurs et de transformateurs existent aux niveaux québécois et canadiens. Toutefois, ces associations ont pour principal mandat de faire valoir l’intérêt de leurs membres. Il n’a pas été possible de voir si des moyens de production, de commercialisation ou d’innovation étaient partagés par les membres de ces associations.
Il semble pour le moins difficile de favoriser une meilleure coordination des différents maillons de la chaîne de valeur lorsque les efforts de concertation entre les acteurs de la filière suivent des découpages politico-administratifs. Le MPO conclut des ententes de cogestion sur une base espèce-territoire ou plusieurs espèces pour un territoire donné mais, dans tous les cas avec des pêcheurs et pour un territoire plus petit que celui administré par un gouvernement provincial. Par ses tables de concertation, le gouvernement du Québec souhaite dépasser ce découpage de son territoire par espèce pour favoriser une meilleure coordination de l’ensemble de la filière.
Toutefois, le maillon essentiel de la gestion de la ressource halieutique n’est pas représenté. On peut cependant trouver dans ces différentes initiatives une préoccupation à l’égard d’une meilleure concertation, modulée selon les zones de pêche et les espèces pour l’un, et intégrée pour les différentes zones, espèces et partenaires de la chaîne de valeur pour l’autre.
Les défis auxquels sont confrontés les maillons de la chaîne de valeur régionale peuvent être considérés au moins partiellement comme « sectoriels ». En fait, des problèmes sont propres au secteur de la capture (accessibilité et disponibilité de la ressource par exemple), d’autres sont propres au secteur de la transformation (produits à fabriquer, marchés ou créneaux de marchés géographiques visés). La chaîne de valeur permet aussi de mettre en évidence l’étroite complémentarité entre ces maillons et aussi avec d’autres situés à l’extérieur de la région GÎM.
Cependant, les conséquences des décisions prises séparément ou en concertation ont des répercussions pour les localités concernées et la région dans son ensemble. On parle d’externalités positives.
La notion de région ou de territoire vient ajouter une dimension supplémentaire à la filière ou chaîne de valeur (partie 4). Elle consiste à voir comment s’insèrent la « communauté de pêcheurs » et la filière dans la dynamique socio-économique. On peut donner deux exemples de gouvernance territoriale où les collectivités locales contribuent à la coordination des décisions et les influencent :
 Le modèle de gestion communautaire du CBFM (Community-Based Fisheries Management) dont la prise de décision relève de la communauté locale, au moins entre pêcheurs de la même localité;
 La gestion territoriale dont la prise de décision intègre d’autres secteurs complémentaires. Le cas des Shetland reflète ce modèle faisant clairement intervenir les pêcheurs, les autorités publiques locales, les transformateurs, les aquaculteurs et même l’Union européenne.
La faisabilité de ces différentes approches pour l’ensemble de la région Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine reste à être évaluée.
Au-delà des définitions possibles, l’accent est mis sur la gouvernance en tant que processus (ensemble d’acteurs qui se concertent pour coordonner leurs décisions stratégiques) plutôt que résultat (structure de gouvernance la plus appropriée selon les circonstances) ou état de fait, atteint une fois pour toutes. Quelques « projets structurants » illustrent le processus de gouvernance. Ce sont des projets qui pourront profiter à l’ensemble de la filière, n’impliquant pas nécessairement toutes les parties prenantes régionales à toutes les étapes mais ayant au moins un arrière plan commun : la capacité de prendre des décisions en s’appuyant sur la disponibilité de ressources locales. De plus, ces projets rejoignent les préoccupations des autorités publiques en ce qui concerne l’avenir de la filière halieutique régionale.
Les questions de traçabilité, d’écocertification et de relève ont été retenues parce qu’elles représentent trois façons complémentaires d’illustrer des ajustements dans les pratiques habituelles. Ces ajustements passent par une concertation plus grande entre les maillons de la chaîne de valeur entre eux d’abord, avec les autres parties prenantes de la filière comme avec les autorités publiques ainsi qu’une approche orientée vers les conditions du marché et la recherche de valeur.
Ces différents projets reposent donc sur :
 le maintien d’une disponibilité locale de la ressource;
 un allègement des conditions financières d’accès à cette ressource pour une relève;
 la mise en place de conditions financières intéressantes d’accès à la retraite pour ceux qui veulent se retirer;
 une étroite coordination entre pêcheurs et transformateurs pour rendre opérantes la traçabilité, l’écocertification, l’approvisionnement des usines et mieux valoriser les produits par une interaction étroite avec les consommateurs finals.
La disponibilité de la ressource, son accessibilité, son partage, l’équité intergénérationnelle et la coordination/alliance stratégique sont des éléments essentiels d’une gestion des pêches par les communautés locales et donc d’une nouvelle gouvernance territoriale de la filière halieutique en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine.
Les pistes de solutions présentées ne constituent pas une liste exhaustive de tout ce qu’il faudrait faire. Le principal objectif de cette étude est d’identifier une direction générale vers laquelle il faut tendre, une vision à long terme, accompagnée des inévitables mesures pour faire face à la mauvaise conjoncture actuelle.

Type de document : Document issu d'une conférence ou d'un atelier (Conférence)
Départements et unités départementales : Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER)
Déposé par : DIUQAR UQAR
Date de dépôt : 05 nov. 2020 14:48
Dernière modification : 12 oct. 2023 17:09
URI : https://semaphore.uqar.ca/id/eprint/1701

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